#6. Mon cadeau de femme écrivain
Des livres pour mûrir en écriture
Demain c’est Noël, et je me suis demandé ce que je pouvais vous offrir, à vous, mes chères lectrices.
Quelque chose de simple et précieux : les livres qui m’ont aidée à mûrir en écriture.
Je dis bien “mûrir en écriture” et non “apprendre à écrire”, car si l’écriture, comme tout art, implique évidemment d’apprendre quelques techniques, le plus dur est ailleurs.
De l’écriture comme du piano
J’aime beaucoup comparer l’écriture au piano que j’ai pratiqué pendant presque 20 ans, mais avec moins de succès !
Quand on pratique le piano :
Il faut apprendre le solfège.
S’entraîner à faire des gammes.
Commencer par des morceaux faciles.
Répéter, répéter, répéter.
Maîtriser sur le bout des doigts la technique du morceau…
… pour enfin laisser libre cours au plus précieux : votre propre interprétation, qui sera unique !
Rien n’est plus agréable quand on joue de se perdre soi-même, d’être dans le flow, de tout oublier à l’extérieur.
Quand on est préoccupé par autre chose, on a du mal à jouer correctement.
Parfois, ce n’est tout simplement pas le bon jour, on n’y arrive pas, alors mieux vaut arrêter que s’énerver.
On accepte sans souci le fait qu’au début on ne joue pas dans la salle Pleyel, mais plutôt pour les proches.
C’est la même chose pour l’écriture !!!
Si je reprends une à une chacune de ces observations sur le piano pour les adapter à l’écriture….
Pour pratiquer l’écriture :
Il faut apprendre la langue française. Ce n’est pas parce que c’est votre langue natale qu’il n’y a pas de travail ! De mon côté, j’ai par exemple passé le Certificat Voltaire niveau Expert. Pendant 2 ans, quotidiennement, j’ai tenu un carnet de vocabulaire, j’ai fait des dictées, des pastiches et des exercices de grammaire, conjugaison, orthographe.
S’entraîner avec des exercices. Les ateliers d’écriture sont une bonne piste pour commencer. Les concours de nouvelles aussi. Le meilleur exercice selon moi est le pastiche ou le remake d’auteurs classiques ou d’auteurs que vous appréciez. C’est une manière de remettre en question votre propre style, de gagner en agilité, mais aussi de comprendre comment une œuvre est construite.
Commencer par écrire un livre “simple”. Oui, vous avez le droit d’aimer le roman choral où l’on suit 5 personnages sur 1000 pages dans un monde créé de toutes pièces et avec une intrigue aux nombreux rebondissements. Mais si vous écrivez votre premier roman, commencez par écrire quelque chose de plus simple. Un gentil prélude de Bach plutôt que du Rachmaninov…
J’enfonce des portes ouvertes : pour progresser, il faut écrire, échouer, recommencer, réécrire. On nous vend souvent le mythe du jeune prodige dont le premier roman est époustouflant. La plupart du temps, il s’agit d’auteurs qui ont déjà une pratique de l’écriture depuis quelque temps, même s’ils n’ont pas encore été publiés.
Les manuels d’écriture se multiplient en se présentant comme des sésames. Il y a certes une technique à laquelle il faut s’initier quand on commence (points de vue, répétitions, dialogues, temps, …), mais ça ne fait pas tout…
… comme au piano, le plus précieux est votre interprétation ! Pour ça, il faut arriver à un stade où on ne pense plus à la technique, on écrit avec ses tripes, avec son cœur, avec son âme. C’est ça qui fera un bon bouquin.
Je réécris exactement ce qui vaut pour le piano : Rien n’est plus agréable quand on écrit de se perdre soi-même, d’être dans le flow, de tout oublier à l’extérieur.
Si vous avez un dégât des eaux à gérer chez vous, il est évidemment compliqué de vous mettre à écrire et d’être créatif.
Parfois ce n’est pas le bon jour. Ce n’est pas une histoire d’inspiration à attendre, de Muse à prier. Si en tant qu’écrivain on attendait que l’inspiration soit là pour se mettre au travail, on n’écrirait pas beaucoup… Mais à l’inverse, une discipline trop forte nuit à la créativité. La procrastination a bon dos. Parfois, il faut savoir s’écouter soi-même plutôt que de se culpabiliser. L’enjeu est de trouver le bon équilibre entre discipline et écoute de soi (comme au piano !).
Ok, vous êtes contente, vous avez écrit votre premier roman. Vous avez décidé de solliciter des experts du secteur, les éditeurs, parce que vous rêvez d’être publiée, vous voulez un avis sur votre livre ! Surprise : personne ne vous répond… Je poursuis mon parallèle avec le piano : vous avez joué pour la première fois en audition, vous demandez à jouer à la Salle Pleyel, personne ne vous répond. Etes-vous vraiment surpris ? Non. Alors pour l’écriture, c’est pareil : il faut accepter de ne pas être un virtuose dès le premier roman.
Livres sur l’écriture : manuels et témoignages
Parmi les livres sur l’écriture que je souhaite vous recommander, je distingue :
les “manuels”, surtout américains, qui vous vendent une méthode infaillible à suivre absolument pour écrire des romans. C’est la base, il faut évidemment passer par là. Je n’ai pas listé tous les classiques du genre, mais seulement ceux qui m’ont été particulièrement utiles. Il existe déjà de nombreux blogs, newsletters, etc. qui les rassemblent et les résument. Sur le sujet technique, n’hésitez pas à faire un tour sur le site d’Alexis Bonon et sa newsletter Ex Libris.
les témoignages dans lesquels des écrivains reconnus nous font part de leur cheminement dans l’écriture, leur façon de faire. Ce sont eux qui permettent de mûrir en écriture dans un second temps, une fois la technique à peu près maîtrisée. Certains témoignages vous parleront à un moment précis de votre vie d’écriture et vous aideront à grandir. Vous tenterez peut-être de coller à la manière de faire de tel ou tel écrivain que vous admirez, un peu comme on tente différents styles de vestimentaires à l’adolescence, avant de découvrir qui vous êtes vous, en tant qu’écrivain… votre “Moi-écrivant”.
5 manuels d’écriture qui m’ont fait progresser
L’Anatomie du scénario de John Truby : c’est la Bible pour construire une histoire “traditionnelle”, la référence à Hollywood, un condensé des règles à suivre pour rester dans le modèle masculin du voyage du héros et du conflit narratif. Si vous ne savez pas par où commencer pour écrire votre premier roman, c’est un très bon guide. A la fin votre roman sera artificiel, “archétypé”, mais vous en serez venu à bout. Vous aurez intégré par ailleurs une grille de lecture pour mieux décoder et analyser les fictions dont on nous abreuve (roman page-turner, série TV, film d’action).
Comment écrire de la fiction de Lionel Davoust : l’équivalent français, très pédagogue, fort sympathique, beaucoup plus court et efficace. Lionel Davoust anime par ailleurs un podcast sur l’écriture d’imaginaire (Procrastination) et des ateliers d’écriture, c’est un excellent professeur.
Débuter, comment c’est de Bertrand Leclair : tout à fait à l’opposé de cette narration centrée sur le conflit, ici on parle de littérature, de pâte à pétrir et à laisser lever. Un condensé d’érudition qui m’a aidée à franchir un cap dans mon écriture et que je relis régulièrement. Merci Bertrand.
Conduire sa barque d’Ursula Le Guin : la version féminine du manuel à l’américaine. Chez elle j’ai beaucoup aimé l’idée qu’au-delà de la technique, il y a un nécessaire lâcher prise dans l’écriture : on conduit sa barque, mais en suivant le courant…
Les bienfaits de l’écriture, les bienfaits des mots de Nayla Chidiac : parce qu’on peut aussi écrire pour se faire du bien, le manuel de cette psychologue spécialisée dans les ateliers d’écriture thérapeutiques est un incontournable. C’est aussi en grandissant en tant que personne qu’on devient un meilleur écrivain.
5 témoignages d’écrivain qui m’ont fait mûrir
Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke : un grand classique, hyper inspirant, qui me donne un coup de boost à chaque fois que je doute. Au début du XXe siècle, un jeune étudiant écrit à Rilke (qui n’a que 27 ans !) pour lui demander des conseils pour devenir poète. Alors commence une correspondance qui va durer quelques années. L’étudiant décide à la mort de Rilke de publier les lettres de ce mentor. Il s’agit d’une réflexion sur la condition du créateur (pas forcément poète), sa mission, sa vie, ses doutes, les conditions pour faire œuvre, créer une œuvre d’art. Très inspirant pour se rappeler l’essentiel quand on choisit la profession d’artiste, mais aussi quelques réflexions philosophiques sur comment vivre sa vie.
L’écriture comme un couteau d’Annie Ernaux : notre prix Nobel qui sait si justement mettre des mots simples sur notre vécu de femme. Elle partage ici dans une série d’entretiens ce qui l’a amenée à l’écriture et ses manières de travailler.
Le parfum des fleurs la nuit de Leïla Slimani : excellente romancière contemporaine, Slimani avait déjà écrit un témoignage sur sa manière d’écrire dans Comment j’écris, mais je préfère de loin celui-ci. Elle passe une nuit seule à la Punta della Dogana à Venise, l’occasion d’errer dans le musée et de laisser libre cours à ses pensées sur pourquoi elle écrit. Un livre très intime, magnifique.
Toute une moitié du monde d’Alice Zeniter : sur l’écriture au féminin, l’exploration de nouvelles manières d’écrire, le sens qu’on donne à cette écriture. Je vous en ai déjà parlé dans une précédente chronique.
Psychopompe d’Amélie Nothomb : un livre autobiographique sur son enfance où Amélie compare l’écriture au vol comme un oiseau, avec tout ce que cela implique de peur, de lâcher-prise, d’intuition, d’euphorie.
« Désormais, écrire, ce serait voler. Je ne suggère pas que me lire soit un exercice d’altitude, je sais que quand j’atteins mon écriture, je vole. Mon rêve prit sens. Oui, j’avais découvert la gymnastique qui permettait de s’envoler : il s’agit de se positionner, d’une manière particulière à l’intérieur de soi, de saisir le bon angle et la juste distance et de se précipiter.
Se précipiter au sens propre : se lancer, tête la première, dans le précipice. Voir le sol se rapprocher et battre des ailes, non pas par fantaisie mais afin de ne pas s’écraser. »
Amélie Nothomb, Psychopompe
Joyeuses fêtes !
Voilà quelques idées pour travailler sur votre écriture pendant les vacances de fin d’année. De mon côté, je ne fais pas de pause et vous me retrouverez mardi prochain comme d’habitude dans votre boîte mail.
Je vous réserve pour 2025 de nombreuses autres lectures marquantes pour continuer à conquérir votre liberté de femme.
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