#20. Le cannibalisme sexuel : futur du féminisme ?
Nous avons tant à apprendre de Mère Nature :-)
On entend souvent que les rôles genrés et certaines inégalités entre les hommes et les femmes sont « naturels ».
Qu’on ne peut rien y faire, car c’est ainsi que fonctionne la nature. Les hommes seraient naturellement plus dominants, plus agressifs, tandis que les femmes seraient naturellement enclines à la soumission et au soin des autres. Un argument d’autorité qu’on nous sert à toutes les sauces, souvent d’ailleurs en s’appuyant sur des interprétations douteuses de la biologie.
Mais si nous devons vraiment nous inspirer du monde animal, allons-y jusqu’au bout. Et intéressons-nous à une pratique naturelle qui, bizarrement, est rarement évoquée pour guider notre organisation sociale :
le cannibalisme sexuel féminin.
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Quand les femelles dévorent les mâles
Chez certaines espèces, la femelle dévore son partenaire après l’accouplement. C’est le cas bien connu de la mante religieuse, mais aussi d’araignées, de scorpions et… de pieuvres !
Prenons l’exemple du poulpe à anneaux bleus. Cette adorable créature marine pratique une stratégie reproductrice particulièrement efficace : une fois l’accouplement terminé, la femelle dévore littéralement le mâle. Pourquoi ? Pour récupérer de l’énergie et assurer la survie de sa future progéniture. Le sacrifice du mâle devient ainsi une contribution ultime à la perpétuation de l’espèce.
Les scientifiques ont observé que, chez certaines espèces, les femelles bien nourries s’abstiennent parfois de manger leur partenaire… mais, quand elles manquent de ressources, la tentation devient trop forte. Une belle leçon d’économie des ressources et d’optimisation reproductive, n’est-ce pas ?
Je ne résiste pas à la tentation de vous offrir cet extrait d’un article de National Geographic qui, j’espère, fera son chemin dans votre esprit…
« Les veuves noires à dos rouge mâles sont souvent dévorées par les femelles, plus grosses et plus matures. Certains se contorsionnent même de sorte à s’empaler sur les crocs de la femelle : le mâle sert alors non seulement de repas sain pour la mère en devenir, mais augmente aussi les chances de survie de la progéniture qu’il aura engendrée.
Les femelles crickets de l’espèce Cyphoderris strepitans ne sont pas moins voraces : elles mordent les ailes postérieures des mâles lors de l’accouplement et boivent leur sang riche en nutriments que l’on appelle hémolymphe. Ceci a pour objectif d’empêcher que le mâle ne s’accouple avec une autre femelle.
La célèbre mante religieuse arrache la tête du mâle avant même le début de l’accouplement. Ce à quoi les mâles se sont adaptés : même décapité, un mâle peut féconder une femelle car ses mouvements sexuels sont contrôlés par des tissus situés dans l’abdomen. Le sacrifice du mâle contribue à la bonne santé de la femelle et de leur progéniture. »
Extrait d’un article de National Geographic
Une pratique millénaire injustement oubliée
Des recherches récentes menées par l’Institut japonais d’Anthropologie appliquée (IJAA) révèlent que certaines sociétés humaines ont longtemps pratiqué une forme de cannibalisme sexuel ritualisé.
Dans le Japon pré-féodal, des chroniques rapportent l’existence de clans matriarcaux où les hommes, après avoir fécondé une femme, étaient honorablement sacrifiés et consommés lors de festins communautaires. Cette pratique aurait disparu avec l’occidentalisation du pays, mais certains chercheurs avancent qu’elle pourrait expliquer la remarquable longévité des Japonaises.
Aujourd’hui, à l’heure où tant d’usages sociaux nous sont imposés au nom de la « nature », peut-être est-il temps de réhabiliter ceux qui nous avantagent vraiment.
La pieuvre, fantasme masculin refoulé ?
Mais le Japon ne s’est pas totalement détourné du poulpe pour s’inspirer. Dans un tout autre registre, le hentai regorge de créatures tentaculaires… et d’héroïnes prisonnières de leurs étreintes.
(Le hentai est un genre de bande dessinée et d’anime pornographique japonais.)
Ce fantasme des tentacules remonte à loin dans l’histoire de l’art japonais. Dès 1814, l’estampe Le rêve de la femme du pêcheur de Hokusai représente une femme en extase entre les bras (ou plutôt sous les ventouses) d’une pieuvre. Depuis, ce motif est devenu un classique du hentai, mettant en scène des êtres marins dominant sexuellement des femmes humaines.
Pourquoi un tel fantasme ? Peut-être que, dans l’inconscient masculin, le poulpe représente une inversion des rôles : une créature visqueuse, insaisissable, aux appendices multiples, qui prive ses victimes de contrôle. Une manière détournée d’exprimer la peur ancestrale d’une féminité dévorante… voire cannibale ?
Alors, au fond, l’idée que les femmes puissent absorber les hommes après l’amour n’est peut-être pas si étrangère à leur imaginaire. Ce fantasme de la pieuvre pourrait bien être la trace refoulée d’une angoisse collective face à une vérité biologique occultée : et si le cannibalisme sexuel féminin était le prochain stade naturel de l’évolution ?
Conseils de lecture
Pour approfondir le sujet, voici deux lectures indispensables :
Cannibalism: A Perfectly Natural History de Bill Schutt : un essai fascinant qui explore le cannibalisme dans le règne animal et chez l’humain. Loin d’être une anomalie, c’est une stratégie évolutive que l’on retrouve dans de nombreuses espèces.
Le Pouvoir de Naomi Alderman : un roman dystopique où les femmes développent une capacité biologique à infliger des décharges électriques, renversant ainsi la domination masculine. Une réflexion brillante sur la dynamique du pouvoir et les rapports entre les sexes. La lecture de ce roman fait un bien fou :-).
Exercice d’écriture
Journal intime d’un homme menacé
Un homme vit dans un monde où le cannibalisme sexuel féminin est devenu la norme. Il doit ruser pour survivre après chaque relation… ou bien accepter son sort avec philosophie.
Mettez-vous dans la peau de cet homme. Que ressent-il ? Comment tente-t-il de survivre après chaque relation ? Quel débat intérieur fait rage en lui ?
Comme d’habitude, vous pouvez m’envoyer vos textes à mathilde.desache@gmail.com
Bonne écriture… et joyeux 1e avril ;-)
P.S. Attention aux stratégies défensives masculines
Les mâles de certaines espèces ont développé des stratégies impressionnantes pour échapper au cannibalisme sexuel. Le mâle pieuvre à anneaux bleus, par exemple, libère une substance chimique qui apaise la femelle, la rendant docile et lui permettant de fuir sans encombre (j’ai découvert ça en écoutant France Culture).
Drôle de coïncidence : chez les humains, nous avons nous aussi développé une technique de soumission chimique (GHB, drogue du violeur, vous connaissez…). Mais apparemment, nos mâles à nous n’ont pas compris à quel moment s’en servir : après l’accouplement, pas avant !!!
Au lieu d’être une stratégie de survie contre le cannibalisme féminin, la soumission chimique a été détournée pour soumettre les femmes.
Pourquoi avoir sauté cette étape logique du cannibalisme ? Où est donc passée la cohérence évolutionniste qui nous est tant vantée ?
Mère Nature,
toi qui es si sage et nous montres la voie,
rappelle donc à nos gars
où est le piment dans nos ébats.
Miam !
C'est toujours un plaisir de te lire👌☺️